Huguette Bello remporte les élections à l'Île de La Réunion (974)
Avec 51,85 % des suffrages, Huguette Bello remporte les élections régionales à l'Île de La Réunion devant Didier Robert qui briguait un troisième mandat à la tête de la liste d’union des droites et des centres. Agée de 70 ans, l’ancienne députée Communiste (1997-2020) soutenue par Jean-Luc Mélenchon, devient après Margie Sudre, la seconde femme de l’île à diriger la région. Retour sur une élection qui fait de La Réunion, l’unique région à virer de bord lors de ce scrutin largement boudé par les électeurs. En effet, le taux d'abstention pour ce second tour des régionales s'élève à 65,7% au national (estimations d'Ipsos/Sopra Steria pour France Télévisions et Radio France) quand il n’est “que” de 59,24% à La Réunion (chiffres de la préfecture : taux de participation au second tour des élections régionales estimé à 40,76% à 17h).
Le président sortant impliqué dans une affaire de détournement de fonds publics ?
Dimanche soir, Huguette Bello est interrogée par Réunion 1ère juste après sa victoire. La maire de St Paul évoque ‘’l’argent public à la disposition de l'intérêt général’’, mettant l’accent sur ‘’la probité’’ et “l’éthique’’. Ses premiers mots sont une référence à la condamnation par les juges du tribunal correctionnel de Saint-Denis le 21 mai 2021, de son adversaire à 15 mois de prison avec sursis et 3 ans d’inéligibilité pour prise illégale d’intérêts et abus de bien social. Les faits reprochés portent notamment sur un salaire de 6.800 euros net mensuel que l'ex-président de région se serait octroyé entre 2017 et 2018 en tant que PDG de la Société publique locale (SPL) Réunion des musées régionaux (RMR) et cela sans autorisation du Conseil d’administration. Après l’audience, Didier Robert avait posté un message sur les réseaux sociaux précisant “J’ai toujours servi La Réunion et je n’ai jamais été dans la recherche de gain personnel“. Rappelons qu’à l’époque, cette structure rencontrait des difficultés économiques au point de licencier sept salariés et que Didier Robert n’exerçait pas ses fonctions à temps plein. En outre, ce dernier s'était aussi fait sanctionner pour avoir omis de déclarer son salaire de PDG à la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP). Didier Robert ayant interjeté appel du jugement le condamnant, le parquet de Saint-Denis l’a suivi en interjetant appel, de son côté, de la relaxe pour concussion. En conséquence, l’affaire devra être entièrement rejugée devant la Cour d’Appel de Saint-Denis. Entre-temps, l’ancien président de région pouvait donc se présenter aux élections régionales des 20 et 27 juin. Lors du grand débat du second tour des Régionales sur Réunion 1ère, Mercredi 23 juin 2021, la question de l’éthique est d’ailleurs d’emblée posée sur la table : “se faire payer 6 800 euros dans un pays où il y a 128 000 Réunionnais qui vivent avec moins de 600 euros par mois, c'est une honte absolue. Si nous arrivons aux affaires, il n'y aura plus de rémunérations dans les Société Publiques Locales" s’était-indignée la future présidente du Conseil Régional.
La mobilité des Réunionnais au cœur des débats de cette élection
Lors du débat enflammé du second tour de la campagne régionale, il y avait tout d’abord l'inévitable sujet du chantier de la Nouvelle Route du Littoral. Huguette Bello avait blâmé Didier Robert pour « ses promesses non tenues » à commencer par la construction de la nouvelle route du littoral. En effet, débuté en 2014 et promis pour 2020, le chantier de la Nouvelle route du littoral (NRL), la fameuse liaison routière en mer entre le nord et l’ouest de l’île qui devrait coûter plus de 2,5 milliards d’euros pour douze kilomètres seulement et surnommée “route la plus chère du monde”, n’est toujours pas terminé. Si le président sortant estime que la route est « achevée à 80 % », sa rivale considère qu’elle « ne mène nulle part ». Qualifiant son opposant de démolisseur, Huguette Bello a dressé une liste d’autres projets visant à faciliter la mobilité des Réunionnais qui selon elle n’ont pas été menés comprenant la réfection de la route de Cilaos s'effondrent petit à petit ou encore le projet d’allongement de la piste de l'aéroport de Pierrefonds. Elle lui reprochait également d’avoir interrompu à son arrivée au conseil régional, en 2010, le projet de tram-train lancé par Paul Vergès. Son adversaire s’était défendu en présentant le bilan de son programme et ses projets sur l'amélioration du réseau routier : “avoir un réseau routier de qualité est un engagement qui a été pris et que nous avons fait, il n’y a plus aujourd’hui un seul radier sur les routes nationales.. que ce soit sur le pont du chaudron qui a été réalisé ou sur le pont de la ravine blanche au Tampon. Il y a une modernisation du réseau routier’’ mais aussi sur l'investissement dans des voies réservées aux transports en commun “Dans le même temps nous avons engagé des investissements très importants, pour permettre là où c’était encore possible d’avoir des voies réservées aux transports en commun, c’est le cas aujourd'hui entre Gilot et l’entrée de St Denis, mais il y’en a bien d’autres sur St Louis ou sur St Pierre”. L’ex président de région avait en outre mis en évidence le financement de bus supplémentaires : ‘’ en quelques années, il y aura eu presque 200 kilomètres de plus du réseau car jaune et donc la possibilité pour les Réunionnais de pouvoir mieux utiliser le reseau routier”. Concernant la route de Cilaos Didier Robert a aussi apporté des éléments de réponses aux reproches de son adversaire “ Il a fallu parer aux urgences, il y a eu des éboulis, il y a 2 ans de cela et il a fallu apporter des éléments de réponses afin que Cilaos ne se retrouve pas enclavée, ce que nous avons fait.’’
Huguette Bello : Une personnalité clivante
C’est une double victoire pour cette élue figure de la gauche âgée de 71 ans qui a commencé sa carrière politique dans les rangs du Parti communiste réunionnais (PCR). Après une tentative infructueuse pour l’accession au siège de la présidence de région contre le même adversaire en 2015, cette année les résultats de l'élection sont inversés et l’ancienne directrice d’école savoure sa victoire. Mais cette élection représente également une revanche pour celle qui a combattu tout au long de sa carrière la droite réunionnaise et ses branches les plus dures, ainsi que le machisme en politique. Y compris dans son propre camp, le PCR, qu’elle quitte en 2012. Elle est en effet exclue du parti après avoir rejeté leur volonté de la parachuter lors des élections législatives de 2012, dans la 7ème circonscription au lieu de la 2ème. Elle claque la porte de ce dernier pour fonder sa propre structure, le parti Pour La Réunion (PLR) grâce auquel elle maintient sa candidature dans la 2ème circonscription contre le candidat officiel du PCR. Elle est d’ailleurs réélue dès le premier tour avec 67% des voix.
Cette fille de planteur issue d’un milieu modeste, entre sur la scène politique en 1974, à l'âge de 24 ans, en devenant membre du Parti Communiste Réunionnais. La même année, elle devient membre de l’Union des Femmes de La Réunion (UFR) et milite aux côtés de Laurence Vergès. Institutrice, directrice d’école, présidente de l’UFR dès 1978, conseillère générale, régionale, 1ère femme députée de l’ile de 1997 à 2020 et maire de Saint-Paul entre 2008 et 2014 et depuis 2020, c’est une femme engagée, l’humain reste au cœur de ses valeurs et de ses préoccupations.
On lui connaît aussi des polémiques et des controverses. Certains lui reprochent notamment ses propos anti zoreil. En Septembre 2011, elle est accusée de racisme anti blanc après des propos tenus à l’égard d’un métropolitain installé à La Réunion. En effet, le 20 septembre 2011, après une attaque mortelle de requin sur la plage de Boucan-Canot, elle est prise à partie par un groupe de surfeurs. Elle avait répondu à l’un d’eux qui l’interpellait sur le fait qu’il n’avait jamais vu un tel problème à La Réunion depuis vingt ans : « C’est mon pays monsieur, je connais mon pays, ça fait soixante ans que j’y vis.»
En tout état de cause, dimanche soir, Huguette Bello a promis d’être « la présidente de tous les Réunionnaises et les Réunionnais. Ensemble nous ferons de notre île une terre de progrès, une terre d’excellence écologique, au service d’un peuple libre, émancipé ».